Tioro

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Je ressasse perclus l’arôme de cette austère stèle où gît le placenta
Quelle science abjecte prête à l’odorat la plus fidèle mémoire des sens
Peut-être trois harmattans sont-ils insuffisants pour graver le marbre
Tioro, placide hameau des savanes, effacé de ma mémoire naissante

Je devine la case au bonnet de chaume et la matrone qui m’ont vu vagir
J’esquisse incertain, la latérite qui m’a vu ramper, marcher puis courir
J’imagine blafardes les flammes qui m’ont tenu chaud sous l’appatam
Tioro, austère sépulcre où gît le pater inconnu ad vitam aeternam

Je n’en ai point souvenance, mais j’augure que tu m’as pleuré m’éloigner
Et je ne doute guère que tu conserves de moi un répertoire bien garni
Sois quiet, j’ai senti sur ma voie, le souffle des mânes veillant sur mes pas
Tioro, mystère d’où le pater m’inflige sa place dans la chaine des initiés

Je t’ai revu Tioro quand le temps est venu pour mon retour au bercail
Et j’ai foulé ton sol et j’ai bu ton eau et j’ai humé ta fragrance
Je t’ai revu Tioro et j’ai passé en ton sein une nuit sans épouvantail
Tioro, belle bourgade sénoufo qui s’épanche entre le Pongala et le Gnéné

Je te chante à présent et tu réponds en écho par-delà le ruisseau qui t’étrille
Je te sonde à présent et je signe pour les mânes qui m’observent à l’ordre
Je grave ta cadence dans mes pas quand je remonte les colonnes
Tioro, paisible hameau des savanes, gravé dans ma mémoire vivante

Abidjan, le 10 septembre 2020

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