Nos « champions » nationaux en question
En début de semaine dernière (13 Janvier 2020), j’ai vu un bel article sur la signature d’une convention entre le ministère du tourisme et une société ivoirienne. Voir Article ci-joint (https://news.abidjan.net/h/668148.html)
Ce projet dénommé « SERJET », vise à promouvoir l’écologie en fournissant des serviettes biodégradables aux hôtels de 1 à 2 étoiles et les appart‘hôtels. A terme, poursuit l’article, le projet devrait permettre la fourniture, de « sets de literie et de table, répondant aux mêmes normes de qualité avec le même souci de respect environnement ». L’article souligne que la signature de cette convention s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre d’une stratégie nationale de développement du secteur qui vise aussi à l’essor de champions nationaux. Cette action pour ce qu’elle milite en faveur de l’écologie est à applaudir sans concession. L’aspect qui est ici problématique concerne les conséquences économiques d’une telle convention.
En clair cela sous-entend que les hôtels concernés par cet accord ne doivent à terme utiliser que des fournitures mise à disposition par le porteur de la convention. Que deviendront donc les entreprises qui œuvrent déjà dans ce secteur. Vu que l’autorité publique décide de concentrer entre les mains d’une seule entité tout le chiffre d’affaire de tout un secteur. Là où dans la mise en œuvre de sa politique d’écologie, l’on aurait été en droit de s’attendre à la mise en place d’un cahier de charges à respecter par tous ceux qui veulent livrer des fournitures au secteur, l’on assiste plutôt à la sélection d’un acteur qui seul est habilité à exercer une telle activité. Le plus inquiétant c’est qu’on appelle cela créer un « Champion » national. Pour être plus terre à terre c’est comme si au lieu de définir des conditions d’accès à la Première Division au niveau du football national, afin de compétir de manière équitable, le ministère en charge du sport signait une convention avec le club de football de mon village l’habilitant ainsi à être le seul Club éligible à la Première Division et par conséquent, le Champion national par défaut.
Quel est donc cette drôle de façon, de créer des champions, adoptée par notre stratégie nationale de développement en la matière. En octobre 2019 lors de la 4ème journée nationale du partenariat (https://news.abidjan.net/h/664410.html), l’état a annoncé avoir repéré 29 entreprises éligibles au statut de « champions » nationaux et qu’il fallait les y aider. Une initiative qui est louable pour notre écosystème entrepreneurial. Il est même mentionné dans un article sur cette résolution que le but est de créer dans entités de taille comme l’est le groupe ALIKO DANGOTE dans l’industrie cimentière au Nigeria. Je ne crois pas que le groupe du milliardaire Nigérian soit l’exemple adéquat. Il est peu probable, qu’une économie comme celle du Nigéria, décide par exemple que pour tout promoteur d’hôtels de 1 à 2 étoiles ou autres appart‘hôtels, il soit obligatoire d’utiliser du ciment « made by DANGOTE CEMENT ». A l’aune de ce qui vient de se passer pour le secteur du tourisme, il y a des inquiétudes à se faire pour les 28 autres secteurs ou gravitent les 28 autres champions nationaux en devenir.
Notre économie nationale a atteint un tel niveau de consolidation voulu et entretenu par l’autorité publique qu’il est loisible de se demander si nous sommes réellement dans un environnement libéral. Nos dirigeants s’étonnent que malgré l’embellie économique qui est réelle, le peuple se plaignent encore que les richesses soient mal reparties. On crie à la mauvaise foi des uns et des autres et on brandit les infrastructures et les indicateurs macro-économiques parfaitement au vert, à chaque complainte. L’on feint de ne pas voir qu’on à passé les 10 dernières années à concentrer entre les mains d’individus, des secteurs entiers, là où pour une politique libérale, on aurait été en droit de s’attendre à plus de concurrence.
Je ne crois pas qu’on crée des « champions » nationaux en biaisant sur des avantages non mérités. On peut verrouiller l’accès à un secteur et le conserver seulement pour des nationaux. Mais il est inopérant de verrouiller un secteur économique à des nationaux en le livrant à une seule entité. Lorsqu’on émet le vœu de voir nos champions nationaux exporter leurs compétences, il y a fort à parier que ceux-ci ne glanent jamais de laurier hors de nos frontières. Il est évident que le ministère malien du tourisme décidera difficilement de signer une convention, avec le champion national ivoirien, afin qu’il soit lui seul autorisé, à livrer des fournitures écologiques à tout le secteur au Mali. Ne construisons pas des champions dont le seul mérite et de savoir qui connaitre pour signer une convention. Un champion ne se décrète pas à coup de signature. Le titre de champion s’acquiert dans l’arène. Pas une arène aux règles biaisées et favorisées. Mais une arène aux règles claires et équitables pour tous. Le titre de champion doit s’acquérir au prix de la sueur. « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » Pierre Corneille, Le Cid.
Abidjan, le 20 janvier 2020
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