Le Sphinx, le Boulanger et le Meunier

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Jadis, en un royaume lointain, un jeune Sphinx avait hérité du pouvoir à la mort de son père, habile bâtisseur d’un pays aussi stable que prospère. A l’article de la mort, le vieux monarque s’était attaché les services d’un Grand Vizir pour tenir les comptes et conduire les affaires.

Dans le royaume, un Héraut conteur d’histoires s’évertuait depuis toujours à braquer les foules contre la monarchie. Il avait accusé le défunt monarque d’avoir gardé par devers lui, le trésor du peuple. Il fallait selon le tribun, conduire toute la cour à la potence de l’histoire et remettre le pouvoir à la populace.

Aussitôt installé sur le trône, le jeune Sphinx n’avait pas compris qu’il lui fallait plus de légitimité que l’hérédité pour s’imposer à ses sujets. Il partit en guerre contre le Grand Vizir qu’il soupçonna de vouloir étioler son pouvoir. Il le banni du royaume et devint si suffisant et arrogant qu’il ne remarqua pas qu’aussi bien le peuple que les soldats commençaient à se lasser de ses lubies.

A la veille d’une fête il fâcha une garnison qui le chassa du pouvoir, dans un saut d’humeur, porté par la clameur populaire. Le jeune Sphinx ne dû son salut qu’à la vitesse de son canasson qui l’emmena trouver refuge en un royaume voisin. Un vieux Général d’armée à la retraite à qui la soldatesque avait fait appelle se retrouva à la tête du royaume.

Piètre stratège le Général s’était dans un premier temps promis d’assainir les arcanes du pouvoir afin de le remettre au peuple. Mais la luxure aidant, le vieux soldat fini par céder aux douceurs du trône et commença à se rêver monarque.

Malheur à lui, il lia sympathie avec le Héraut tribun qui se révéla être aussi un habile Boulanger. Dans un artifice dont lui seul a le secret, il parvient à ravir le trône au Général qui n’y vu que du feu et couru se murer dans son hameau.

Le Boulanger s’installa ainsi sur le trône avec l’aval du peuple et rusa avec tous pour se maintenir en place. Sous la clameur des royaumes voisins, il consenti à accueillir et discuter finalement avec le Sphinx, le Grand Vizir et le Général afin qu’une entente permette au royaume de demeurer stable. Egal à lui-même, il ne put s’empêcher pourtant de ruser afin d’asseoir son pouvoir.

Pendant que tous blablataient à ne plus s’entendre et se comprendre, un preux Syndicaliste formé par le Héraut prie la tête d’une dissidence armée et s’accapara d’une partie du royaume. Le vieux Général laissa sa tête dans ce soulèvement de soldats. Le Grand Vizir et le Sphinx quant à eux, se retrouvèrent à nouveau en exil et devinrent même ami.

Aussi rusé que son maître, le preux Syndicaliste parvint à tenir la dragée haute au Boulanger. Ce dernier de guerre lasse, fini par lui faire une place à sa table caressant sans doute l’espoir secret de le rallier à sa cause.

C’était sans compter avec les amitiés que le preux Syndicaliste témoignait au Grand Vizir. Il vouait à ce dernier, une admiration sans limite. Il n’était pas non plus inconnu du Sphinx. Celui-ci avait durant son règne eu, plus d’une fois, maille à partir avec ce jeune Syndicaliste trop pressé et bruyant. Il l’avait quelque fois fait jeter dans les geôles.

Le Sphinx, le Grand Vizir et le Syndicaliste se liguèrent et parvinrent, après mille et une ruses portées à bout de bras par le preux Syndicaliste, à bouter le Boulanger hors du pouvoir. Aidé en cela par le peuple et certains royaumes voisins. Après un règne sans répit qui avait duré une décennie, le Boulanger se retrouva en exil, enfermé dans les geôles d’un lointain territoire.

Les trois hommes fort du royaume, nouèrent une secrète entente qui jamais ne sera sut de manière claire et certaine d’aucun autre mortel. Toujours est-il que porté par le peuple, le Grand Vizir se retrouva au pouvoir entouré du Sphinx et du jeune Syndicaliste. Ils promirent au peuple d’éteindre leurs intérêts personnels et de lui offrir une tranquillité bien méritée après de longues décennies de guéguerre fratricide remontant au décès du monarque fondateur. Mais le trône n’est pas un banc, tous l’apprendront à leurs dépens.

Après quelques années de règne tranquille, la nature humaine eu raison des bonnes intentions du trio. Le Grand Vizir se révéla finalement être un émérite Meunier. Il manœuvra si habillement qu’il parvint à se délester et du Sphinx et du preux Syndicaliste ; les allégeant au passage de tous privilèges et soutiens.

Le preux Syndicaliste fidèle à sa nature, s’était rêvé marionnettiste du Meunier. Il subit alors le courroux de ce dernier qui le contraint à l’exil, emprisonnant au passage toute sa fratrie et ses soutiens affichés. Quant au Sphinx, soupçonné de vouloir reprendre le pouvoir pour une revanche sur l’histoire, il ne dût son salut qu’à son âge avancé. Qu’a cela ne tienne, il fut magistralement déchargé de sa garde rapprochée qui désormais s’était jointe au Meunier. Pour conserver un tabouret dans le royaume, il était exigé de faire allégeance au Meunier ; peu d’hommes résistent à l’appel du ventre.

Après une décennie de règne alors qu’il avait promis de céder le trône et de prendre un repos bien mérité, le décès inopiné de son héritier désigné, poussa l’habile Meunier à se raviser. Il décida finalement de s’offrir en sacrifier sur l’autel public en briguant à nouveau la voix du peuple. Il était désormais, le seul digne de se succéder à lui-même.

C’est avec peine disait-il qu’il mettait sous l’éteignoir et ses principes et ses valeurs, pour se mettre à la disposition de son peuple qui le réclamait encore et toujours. Il était ni plus ni moins que le Meilleur de tous. Personne, ni dans son entourage, ni dans tout le royaume ne pouvait mieux que lui, régner.

Il se décida donc à organiser une joute à laquelle quarante-quatre chevaliers décidèrent de prendre part, dont le Sphinx, le Boulanger et le preux Syndicaliste. Les scribes du royaume éliminèrent quarante chevaliers pour n’en garder que quatre, à savoir le Meunier lui-même, le Sphinx, un ancien porte-voix désormais en disgrâce du Boulanger et un sombre quidam qui n’avait de mérite que de vouer une haine visqueuse au Sphinx qu’il servait encore il y a peu.

Pendant que l’organisation de la joute était en cours, une partie du peuple piaffait que le Meunier devait se soustraire de la course comme le lui imposait les édits. Le Meunier pour sa part avait tranché qu’il connaissait mieux que personne les textes de son royaume et que sa participation à la joute ne souffrait d’aucune ambiguïté. Un bras de fer s’imposa. Il alignait d’un côté, le Sphinx, le preux Syndicaliste, la cour du Boulanger, les héritiers du Général défunt, tous les autres chevaliers boutés hors de la joute ; et de l’autre côté le Meunier et ses obligés.

Pendant ce temps, le ciel attendait. Il était consterné de voir que personne dans le royaume n’avait jusque-là compris, la leçon qu’il avait donnée plus d’une fois. Il devrait encore une fois de plus se résoudre livrer à nouveau le même enseignement. Le ciel est un maitre patient ; il donne autant de fois que nécessaire la même leçon jusqu’à ce qu’elle soit assimilée. Et cette leçon que le ciel voulait que les uns et les autres comprennent dans ce royaume était fort simple.

L’UNIVERS SUSCITE TOUJOURS ET A BONNE HEURE DES DÉSESPOIRS BIEN PLACÉS POUR CALMER TOUTE VELLÉITÉ D’ARROGANCE.

Abidjan, le 22 octobre 2020

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1 réponse

  1. Mamadou D. Coulibaly dit :

    Oui, il semble bien que la leçon n’est pas été comprise …
    La vie cependant est ainsi faite que si l’on apprend pas, l’on sera obligé de revivre les mêmes crises jusqu’à comprendre la leçon et arrêter de contourner la pierre mais à la déplacer hors du chemin.

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