Le juge constitutionnel et le peuple ivoirien
Depuis le 31 août 2020 à minuit, la commission électorale indépendante ivoirienne a fini de réceptionner les candidatures pour l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Comme indiqué par nos textes, 3 jours après la clôture des dépôts, les dossiers ont été transmis au conseil constitutionnel pour examen. Les candidats putatifs s’en remettent désormais à cette instance juridictionnelle suprême pour valider ou invalider leurs dossiers. Cependant eu égard à l’histoire de notre pays sur les deux dernières décennies, il est bon de se remémorer que la cour constitutionnelle a souvent été le catalyseur de nos crises successives. De plus, pour les joutes électorales à venir, la décision de cette instance est fortement attendue à l’issue de l’examen des dossiers réceptionnés. Bref rappel pour nous autres amnésiques.
L’on se souvient qu’en 2000, une rude bataille pour deux conjonctions de coordination (ou/ et), avait permis, avec d’autres artifices savants, d’insuffler dans notre loi fondamentale, les germes d’une crise désastreuse. En effet, la cour constitutionnelle d’alors, dirigée par l’illustre homme de loi TIA KONE était parvenu, suite la lecture de notre constitution, à l’élimination de la course au pouvoir, des candidats ALASSANE OUATTARA et HENRI KONAN BÉDIÉ. Conséquence immédiate, nous avons vécu une crise post-électorale lorsque le perdant le Général ROBERT GUEI décida de conserver le pouvoir par les forces des armes. Finalement le candidat élu, LAURENT GBAGBO aura bénéficié du revirement de l’armée, motivée par l’engouement du peuple pour accéder au trône. Cette crise aura fait des dizaines de mort.
Pendant dix ans, cette décision de la cour constitutionnelle cristallisera toutes les passions. En 2002, une rébellion éclatera avec entre autres revendications, le vœu de laisser tout le monde briguer la magistrature suprême de notre pays. Faisons l’économie de toutes les péripéties intermédiaires largement documentées. Mais retenons que plusieurs centaines de morts plus tard, une élection ouverte à tous sera finalement organisée en 2010.
A l’issue de ces élections, le conseil constitutionnel tranchera dans la précipitation en invalidant les résultats d’environ 12% du collège électoral, pour déclarer victorieux, le candidat donné perdant par la commission électorale indépendante. Cela, en parfaite violation de notre code électoral qui disposait en son article 64 : « Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble, il prononce l’annulation de l’élection. La date du nouveau scrutin est fixée par décret en Conseil des ministres sur proposition de la Commission chargée des élections. Le scrutin a lieu au plus tard quarante-cinq jours à compter de la date de la décision du Conseil constitutionnel. » Le premier des juges constitutionnels d’alors, l’illustre homme de loi YAO N’DRE PAUL, oubliera ce passage de nos textes plongeant ainsi le pays dans une grave zone de turbulence. 3000 morts plus tard, lorsqu’il sera sollicité pour redire le droit, il plaidera avoir été sous l’influence du diable.
Pour les joutes de cette année, nous avons d’ores et déjà assisté à une crise pré-électorale ayant fait à ce jour, une quinzaine de mort selon les observateurs. Des marches de l’opposition et de la société civile ont éclaté après l’annonce du président en exercice de briguer à nouveau la magistrature suprême. Laissons aux hommes de droit, le soin de dire la loi. Mais retenons qu’en 2016, une révision de notre loi fondamentale a été acté. Cette constitution avait été présenté comme le texte le plus équilibré et le mieux écrit que nous puissions avoir pour tourner avec sérénité la page de nos longues années d’errements juridiques.
De l’avis de plusieurs personnalités dont, le ministre de la justice devant le parlement, et du conseiller juridique du président devant les médias nationaux et internationaux, cette nouvelle constitution empêcherait techniquement un troisième mandat pour le président en exercice. Alors qu’il a finalement décidé de rejoindre l’arène électorale après y avoir renoncé, l’on nous informe que le président briguera en réalité son premier mandat et non un troisième en raison d’un changement de république. Il faut avouer que c’est à ne plus rien y comprendre pour le citoyen lambda. Laissons la loi aux hommes de droit, mais gageons que notre cour constitutionnelle a entre ses mains une patate bien chaude.
Prions-le Très Haut afin qu’il accorde toute sa lumière à nos juges constitutionnels afin que le droit, rien que le droit soit dit, sans interprétation partisane aucune. Faisons mentir l’adage qui prétend qu’il n’y a jamais deux sans trois. Prenons donc le pari que les décisions prises par notre conseil constitutionnel dirigé par l’illustre homme de loi KONE MAMADOU seront le gage d’une stabilité retrouvée pour notre nation effilochée. Puissions-nous ne plus jamais avoir à payer de tribut pour une lecture approximative de notre loi fondamentale par notre instance juridique suprême. Prions pour notre juge constitutionnel afin qu’il soit à la hauteur des attentes du peuple ivoirien qui n’a que trop souffert…
Abidjan, le 05 septembre 2020
Commentaires récents