Et s’il avait payé sa dette…
Fin juin 2017, nous sommes en début d’après-midi. Mon Inbox Facebook crépite de messages. C’est un camarade et voisin de classe du collège que j’ai perdu de vu depuis au moins 20 ans qui m’écris. Il me demande tout de go si j’ai vu X… Y… témoigner à la CPI. Il ajoute qu’il y a été pris en flagrant délit de tricherie. Quand il me dit le nom et m’en fait la description, je cherche rapidement en mémoire et je trouve cet autre camarade des années collèges dont je n’avais plus aucune nouvelle également. J’avoue à mon interlocuteur que je n’ai pas suivi le témoignage en question, sans lui dire que le procès à la CPI ne m’intéressait plus depuis quelques temps déjà. Il m’envoie quelques captures d’écran et je lui promets que je visionnerai la vidéo.
Après quelques recherches, je retrouve sans aucun mal, la vidéo où je vois X… Y…, veste et chemise grises, casque à l’oreille balbutier et chercher dans ses papiers la réponse quand l’avocat de la défense lui demande le nom de son village. Je me surprends à murmurer comme pour l’aider, le nom de ce village, non loin du mien, dans le nord de notre pays d’où j’ai toujours su qu’il était originaire. Peut-être en avait-il un second que je ne connaissais pas alors ? J’avoue avoir eu honte de cette image.Depuis bientôt dix ans donc, l’ex Président Laurent Gbagbo est en procès à la CPI. L’image de ce camarade de classe balbutiant sans parvenir à donner le nom de son village résume bien l’impréparation et surtout la légèreté pouvant expliquer que les arguments de l’accusation n’aient pas été en mesure de convaincre la cour.
Ainsi, le Président Laurent Gbagbo et son co-accusé Blé Goudé ont-ils été relaxé par la cour pénale internationale même si la procédure n’est pas encore complètement à son terme. Je suis de ceux qui pensent qu’ils devraient tous les deux rentrer au pays sans autre forme de procès et sans qu’aucune autre condamnation locale ne leur soit imputé.J’en parlais récemment avec un ami et il m’a sorti cette même rengaine que j’ai souvent entendu de la part des pourfendeurs de l’ex Président sur les réseaux sociaux et même en dehors. L’accusation la plus populaire est que ni l’ancien Président, ni son co-accusé ne font pas acte de contrition. Ils font comme s’ils ne sont coupables de rien et ne semblent même pas avoir de remords pour leur partition dans la crise post-électorale ayant fait 3000 morts. Je lui ai alors dit que la procédure judiciaire engagé n’était pas compatible avec l’acte de contrition.
La contrition est par définition un repentir, une reconnaissance de ses torts suivi d’un pardon ou non. Dans une procédure judiciaire la contrition, l’aveu, le repentir est du pain béni pour l’accusation. Dès lors que le prévenu commence à s’excuser, il s’accuse et la messe est dite. C’est du bon sens élémentaire. La défense n’ayant plus d’argument pour plaider sa cause. Sur cette base donc, il ne faut pas s’attendre à une quelconque contrition de la part des accusés avant que la procédure ne soit complètement à terme sinon peut être jamais. Si la côte d’ivoire avait voulu assister à un procès de repentir, nos dirigeants auraient certainement opté pour une forme différente de justice, comme celle à laquelle, nous avons assisté dans des pays comme l’Afrique du sud ou le Rwanda. Nos autorités avaient leur propre agenda et ont opté pour une procédure devant les cours internationales. Il fallait dès lors prouver la culpabilité des accusés et ne pas s’attendre à ce qu’ils viennent eux même faire des aveux pouvant les condamner.
Loin de la contrition et du folklore judiciaire qui doit établir ou non les faits, mon point de vu relève simplement du spirituel. Ma position relève de la loi karmique qui commande que toutes les dettes de la nature doivent être payées. Je sais que beaucoup pourraient me lâcher à partir de ce point, mais il est strictement personnel et n’a nullement besoin de l’assentiment populaire pour que je le soutienne. Loin de moi l’idée de me réjouir du chapelet des sanctions, mais je crois que l’ex Président Laurent Gbagbo a payé sa dette karmique. C’est un fait et certainement pas un vœu. Pour nous qui avons été contemporain de la toute puissance de l’homme, sa chute doit nous interpeller. La déchéance, la capture, la présentation à l’Hôtel du Golf, débraillé, le regard hagard et sans doute ce soulagement d’avoir survécu pour celui qui disait ne pas avoir l’âme d’un suicidaire est sans doute une leçon karmique des plus emblématiques.
Combien sont-ils ces ex-présidents contemporains à avoir été soumis à l’humiliation à laquelle Dieu a bien voulu soumettre l’ex Président Laurent Gbagbo. La détention pendant de longs mois dans le nord du pays, le transfèrement à la Haye, l’attente, le procès, la privation de liberté pendant ces longues années, l’incapacité d’assister aux obsèques de sa génitrice… voilà autant d’éléments qui doivent nous interpeller sur le fait que l’ex président, avec ou sans contrition a payé sa dette à la nature. Toute autre forme de condamnation serait purement et simplement surfaite. Dans l’imaginaire populaire qui l’accuse, on oublie souvent que l’ex président n’a certainement jamais personnellement pointer une arme sur la tempe d’aucun des 3000 morts dont il est jugé responsable. Ni lui, ni Blé Goudé n’ont sans doute jamais violé ni tué à titre personnel comme on pourrait le croire. D’autres l’on peut être fait sous leur commandement. Encore faut-il savoir t’envoyer quand on t’envoie pour paraphraser l’autre.
La nature se charge de rétablir son équilibre comme il le fait depuis toujours. La loi karmique est inaliénable et aucun subterfuge ne lui résiste. Beaucoup de nos politiques payent déjà et payeront encore longtemps leurs dettes karmiques dans ce monde de roublardise. Je crois finalement qu’il est temps de considérer que l’ex Président Laurent Gbagbo a payé sa dette à la nature. La société et le judiciaire peuvent se juger insatisfait, mais n’attendons pas de contrition puisque l’occasion ne lui en a jamais été donné. Il est temps de les laisser, lui et son co-accusé, revenir sur la terre de leurs ancêtres pour participer comme ils y aspirent sans doute à l’œuvre de réconciliation qui devrait contribuer à nous permettre ensemble de restaurer la nation ivoirienne…
Abidjan, le 3 Août 2020
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