Et si le juge constitutionnel ivoirien pouvait encore concilier les positions…
Depuis le 3 novembre, la CEI a officiellement terminé la compilation des résultats de l’élection présidentielle ivoirienne du 31 octobre 2020. Il ressort de ceux-ci que le candidat de la majorité au pouvoir, le Président ALASSANE OUATTARA arrive en tête des dépouillements avec un score calculé de 94,27% soit 3 031 483 électeurs. Il bat de très loin les candidats de l’opposition qui avait appelé au boycott. Ainsi le Président HKB a récolté 53 330 voix et le premier ministre AFFI N’GUESSAN, 31 986 voix. Le Candidat KKB qui a parcouru librement tout le pays pour battre campagne obtient 64 011 voix.
L’organe chargé de la gestion des élections a donc transmis ces résultats au conseil constitutionnel qui dispose de 7 jours pour les valider ou invalider. Dans sa transmission cependant, la CEI a pris le soin de préciser aux juges constitutionnels, des variables qui devraient donner lieu à d’âpres discussion entre les membres de cette cour. En effet, sur les 7.495.082 inscrits seulement 6.269.813 personnes ont été en mesure de voter alors que 3.269.813 y ont effectivement pris part. 1.428.641 en ont ainsi été empêché puisque leurs bureaux de vote n’ont pu ouvrir. Sur les 22 381 bureaux de votes officiellement recensés, 4 780 bureaux soit 21,4% sont restés fermés. Au finale, 4.225.269 électeurs inscrits soit 56,37 du collège électoral n’a pas participé à ces élections. La CEI n’a certainement pas manqué de transmettre aussi au conseil constitutionnel, des rapports détaillés sur les irrégularités constatées dans les zones où l’élection a malgré tout pu se tenir.
Le juge constitutionnel ivoirien doit au regard des textes à sa disposition décider en toute connaissance et en toute bonne foi, si l’élection peut être validée alors que plus de 1/5 de la population inscrite n’a pu y prendre part parce qu’empêchée de le faire. Le juge constitutionnel faut-il le rappeler est selon l’article 126 alinéa 4 de notre loi fondamentale « juge du contrôle de l’élection présidentielle ». C’est donc à lui et lui seul qu’il revient de dire si les choses se sont bien passées et si le processus peut être validé.
Gardons cependant en mémoire qu’en 2010, 13% du collège électoral avait été annulé par la cours constitutionnel, pour proclamer le président Laurent GBAGBO victorieux. Cela avait insidieusement ouvert la voie à la profonde crise que nous avons connu. Notons encore que l’article 64 de notre code électoral d’alors disposait : « Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble, il prononce l’annulation de l’élection. La date du nouveau scrutin est fixée par décret en Conseil des ministres sur proposition de la Commission chargée des élections. Le scrutin a lieu au plus tard quarante-cinq jours à compter de la date de la décision du Conseil constitutionnel. » YAO PAUL N’DRE Président de la cour constitutionnelle d’alors reconnaitra plus tard avoir été possédé par le diable, alors qu’une simple lecture objective de nos textes aurait pu faire l’économie de 3000 morts. Le nouveau code électoral ivoirien d’Avril 2020 a reconduit cette même disposition toujours en son article 64.
Loin de des passions qui habitent aujourd’hui les acteurs politiques ivoiriens, loin des désaccords et autres lectures partisanes et parcellaires, nos juges constitutionnels disposent encore des outils dont un usage cohérent devrait leur permettre de calmer le climat post-électoral délétère et explosif dans lequel la Côte d’Ivoire se retrouve à nouveau. Il leur appartient de décider s’il faut créer de meilleures conditions afin que chaque ivoirien qui le souhaite, puisse s’exprimer ou si le droit constitutionnel de 18.3% de nos concitoyens peut être aussi facilement spolié par les politiques. Le juge constitutionnel ivoirien dispose donc encore d’une marge de manœuvre pour ramener la quiétude dans notre pays. Il peut encore, nous le pensons vraiment, concilier les positions en prenant courageusement les décisions sur la base uniquement de nos textes fondamentaux.
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