Elle nous a rendue amnésiques…

Temps de lecture : 4 minutes

J’ai encore en mémoire Avril 2011. L’ex Président Laurent Gbagbo a été fait prisonnier depuis peu. Les hostilités ne sont pas encore complètement à l’arrêt, mais je dois reprendre le service. Dans une entreprise qui ne pouvait pas s’accorder le luxe de fermer, les équipes d’astreinte au début des intenses combats, avaient dû rester sur place pour assurer le service pendant un peu plus de 2 semaines. Dès l’accalmie, nous qui habitions non loin de l’entreprise devions rapidement prendre le relais pour permettre aux autres de retrouver leurs familles.

Dans les rues sur le chemin pour le service, je suis marqué par les debris. Les carcasses de voiture, les commerces éventrés, l’asphalte cramoisi par les flammes, les douilles… Au « Carrefour GELTI » à Koumassi, je vois un corps fumant dans un tas de pneus. Les effluves nauséabondes de la mort flottent dans l’air. Je suis sonné, complètement renversé. C’est ma première fois de voir directement un tel spectacle. J’avais vu beaucoup d’images similaires sur les réseaux sociaux notamment, mais voir cela sans le voile des écrans, vous fait prendre conscience de manière plus prégnante, de l’odieuse réalité…Au carrefour « Camp commando » sous un véhicule noirci par les flammes, des restes de corps, mais surtout des crânes humains complètement calcinés. Ce sont des images qui vous marquent et surtout vous font espérer le meilleur après la tempête.

À l’hôtel du Golf l’équipe qui avait eu le dessus dans la crise post-électorale s’organisait pour exercer la plénitude du pouvoir gagné dans les urnes et confirmé dans le sang; le sang de 3000 personnes. Ils étaient tous là, solidaires, ADO, HKB, SKG… et tous les autres.Naïvement, j’ai cru de bonne foi comme beaucoup d’ivoiriens sans doute, que cette crise nous servirait de leçon et que les vainqueurs s’organiseraient de manière franche et sincère pour souder le pays et nous permettre de ne plus avoir de raison de douter. Pendant quelques années ils ont réussi à maintenir un certain équilibre ou un équilibre certain. L’économie est repartie surtout dans sa composante macro, celle qui calcule les ratios internationaux.

Puis la politique a repris le dessus…Tout y est passé, le rattapage revendiqué mais certainement clanique, les militants dits alimentaires dénoncés, le déni de non-réconciliation, les crises larvées d’abord niées qui s’avèrent par la suite, les « tabourets » qui se réclament et s’arrachent, l’appartenance au parti état qui seul garantit une place à la lumière, les militants qui acceptent et justifient ce qu’ensemble nous avons dénoncés hier. Les sympathisants qui sont traités d’opposants parce que ne pouvant se taire et se soumettre à la discipline des partis, mais seulement aux valeurs qu’ils avaient comme repères… les alliés d’hier sont aujourd’hui a couteaux tirés, certains sont en prison pendant que d’autres sont en exil ou simplement tombé en disgrâce. Beaucoup étaient estimables hier, aujourd’hui, ils comptent pour zéro…

Pour certains nous vivons dans le meilleur des monde, pour d’autres nous vivons dans le pire. Pour moi, nous vivons dans un monde que naïvement ma raison ne pouvait envisager après vu ces carcasses humaines fumantes en 2011…La politique hideuse et égocentrique a pris le dessus… Elle nous a rendue amnésiques…

#ValuesRatherThanMen#RD#ERP

Abidjan le 1er Aout 2020

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *