Côte d’ivoire, le jour peut attendre…

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« …Il est parfaitement conscient des tensions actuelles qui ont causé la mort de plus de 80 personnes… ». Ce passage est extrait du dernier entretien du Président Français Emmanuel MACRON accordé au journal Jeune Afrique (https://cutt.ly/NhgiFNz). Il y fait référence aux morts causés, par les crises pré et post de l’élection du 31 octobre 2020, en Côte d’Ivoire.

Pour nous qui avions cru de bonne foi, mais finalement naïvement que la crise de 2010 et ses 3000 morts sonneraient le nécessaire point de départ, pour une nouvelle façon de faire la politique dans notre pays, la déception est profonde et le réveil brutal. Nous voilà à nouveau, victime de l’infame félonie de nos politiques. 80 morts, c’est inacceptable. Même s’il s’agissait d’un seul, c’en serait trop. Cette sensation de trahison et de prise en otage de tout un peuple par une classe politique est profondément abjecte et plus que jamais prégnante.

Nous avions accordé du crédit à ces hommes politiques. Nous avions fondé notre espoir sur des valeurs et des principes moraux et humains inaliénables, qu’ils laissaient percevoir et qui à notre sens devaient permettre à notre jeune nation de vivre des dévolutions sans heurts du pouvoir. Hélas, mille fois hélas, la Côte d’Ivoire a été encore une fois de plus, outragée par sa classe politique. Opposition et parti au pouvoir, tous ont failli. Ils sont coupables d’avoir empêché un jour nouveau de se lever pour notre pays.

Une opposition en panne de stratégie

Le Conseil National de Transition (CNT), cette dernière création de l’opposition politique ivoirienne en dehors de tout cadre légal, est l’aboutissement d’une suite d’erreurs stratégiques commises depuis l’affichage de la liste des candidats. Lorsque le 14 septembre 2020, le conseil constitutionnel ivoirien, acte la disqualification de 40 candidats sur 44, j’en arrive à la conclusion que le pouvoir en place est parvenu à liguer contre lui, toute l’opposition. Si cette dernière parvient à fédérer ses forces et à parler d’une seule voix, la campagne s’annonce passionnante. Il y’a tellement à dire sur dix années de gouvernance, qu’il serait aisé pour les opposants de rallier une bonne partie du peuple à leur cause avec un discours rassembleur. Toutes les frustrations, toutes les attentes non comblées, en aurait eu pour leur compte.  

C’était sans compter avec les ambitions individuelles et surtout le manque de stratégie. Le Président BÉDIE avait assez rapidement pris acte des décisions du conseil constitutionnel validant, sa candidature, celle du Premier Ministre AFFI, celle de KKB en plus de celle du Président OUATTARA. Il semblait même disposé à mettre ses forces en ordre de bataille pour la joute à venir. Ce qui était bien évidemment l’option la plus cohérente qui s’imposait. Les jours suivant, depuis Paris, tout allait cependant être remis à cause par le Premier Ministre Guillaume SORO dont la candidature avait été rejeté. Il maintenait sa candidature et annonçait que l’élection du 31 octobre 2020 n’aurait lieu qu’à la seule condition qu’il y prenne part.

La conviction et l’outrecuidance avec lesquelles il avait martelé ses propos étaient sans doute parvenu à convaincre l’opposition qu’a force de pression, le pouvoir allait finir par reculer. Cependant, pour l’observateur cohérent, même s’il avait été envisageable pour le pouvoir de faire quelques concessions, l’affront était tellement personnel vis-à-vis du Président en exercice et le ton si inutilement vindicatif qu’il en était devenu contre-productif. La date du 31 octobre 2020 était devenue une question d’honneur ; pas même le ciel n’aurait pu convaincre le pouvoir d’y renoncer.

Les discours guerriers du Premier ministre Guillaume SORO et ses trop nombreuses sorties aussi enflammées les unes que les autres, étaient parvenus à radicaliser l’opposition, mais surtout à conforter le pouvoir dans sa décision de ne point céder. La date de l’échéance électorale approchait et aucune stratégie n’était envisagée par les opposants dans leur conquête du pouvoir. Le temps passait et plutôt que d’acter la candidature fut elle inconstitutionnelle du Président OUATTARA et s’engager dans la joute, l’opposition importunait ses partisans avec ses incohérences et surtout le manque de lisibilité des actions futures.

La rencontre des partis membres de la plateforme de l’opposition du 10 octobre 2020 n’a pas rencontré le succès escompté. Plutôt que d’impulser une dynamique stratégique, un rappel des troupes, elle à laisser transparaitre les incohérences d’une opposition sans ligne directrice claire. Les discours à connotation xénophobes rivalisant avec les incohérences linguistiques et une organisation qui aurait pu être meilleure. L’opposition n’a pas compris que le peuple n’avait pas l’esprit à marcher ni remplir des stades. Le seul rendez-vous qui était attendu de tous, étant celui des urnes. Cette opposition avait tout pour réussir et au final, elle se sera engagée dans une aventure ambiguë dont elle est sortie sans doute affaiblie.

Le peuple attendait, une opposition qui s’engage à mettre un terme au rattrapage. Une opposition qui s’engage pour une justice libre et équitable. Une opposition qui s’engage pour une gestion de la chose publique sans chantage aux tabourets. Une opposition qui s’engage à faire rentrer tous les exilés. Une opposition qui s’engage à gracier et libérer tous les prisonniers politiques. Une opposition qui s’engage à favoriser la coexistence sans pressions des partis politiques. Une opposition qui s’engage pour réconciliation franche et sincère. Une opposition qui s’engage à promouvoir des valeurs fortes. Une opposition qui s’engage pour une meilleure répartition des fruits de la croissance. Une opposition qui s’engage à ne stigmatiser aucun ivoirien sur la base de son patronyme. Une opposition qui s’engage à mettre en place des textes cohérents et surtout à les respecter sans jamais ruser.

Le peuple attendait une opposition qui lui donne l’occasion d’aller dans les urnes et de prouver qu’il est le peuple et que lui seul est apte à choisir qui doit le diriger. Un ami m’avait laissé entendre que le pouvoir pourrait mettre tout en œuvre, y compris avec des moyens peu conventionnels, pour remporter l’élection. Je lui avais répondu qu’aucun moyen peu conventionnel ne pouvait modifier une tendance flagrante des résultats d’une élection. Le peuple attendait un changement et l’opposition a refusé de lui permettre de participer à l’avènement de ce changement dans les urnes.

Certains ont cru, sans doute en parfaite ignorance de l’actuelle psychologie du peuple, qu’un appel à l’insurrection populaire pouvait prospérer. J’en connais plusieurs qui ne marcheront plus jamais pour aucun homme politique, mais qui n’auraient certainement pas voter pour le pouvoir si l’opposition avait présenté un candidat. J’en connais plusieurs qui jusqu’à la veille de l’élection espéraient encore que les parties d’opposition appellent le peuple à participer aux élections. Je suis de ceux qui pensent qu’une élection se gagne dans les urnes et non par l’entremise des organes en charge de son organisation. Le peuple est souverain et il méritait d’avoir l’occasion de s’exprimer et de choisir librement.

L’opposition ivoirienne a péché, par son manque de stratégie et surtout pour son alignement presque aveugle à la position inutilement audacieuse et finalement contre-productive du Premier Ministre Guillaume SORO. Un ami m’a dit que l’exil fait perdre pied. Je crois qu’il n’a pas tort. Beaucoup d’ivoiriens qui ont de l’estime pour l’homme vous diront qu’ils n’ont pas compris la virulence volontairement outrageante avec laquelle Guillaume SORO a mené la charge contre le Président OUATTARA. Il aurait pu être plus subtil et moins frontal. Il aurait certainement dû prendre acte de son éviction de la liste des candidats, appeler ses partisans à faire campagne avec le Président BEDIE et l’opposition. Voila ce qu’une stratégie orientée vers le bien de tous aurait commandé. Une victoire électorale de l’opposition était certainement pour Guillaume SORO, le meilleur moyen sinon le seul, de rentrer en liberté au pays ; en tout cas, en l’état actuel des choses.

Il est public qu’au départ, tous convenaient qu’il n’était pas question de boycotter l’élection et qu’il s’agissait d’obtenir les meilleures conditions d’organisation. Cependant, trop tard cette opposition a dû se faire à l’évidence qu’elle était tombée dans son propre piège. Elle était allée trop loin dans les appels à la désobéissance civile, pour finalement participer à cette élection. Comment expliquer aux parents de tous ces morts qu’alors que rien de ce qui était réclamé n’avait été obtenu, il fallait quand même y aller. Et comment l’opposition à t’elle pu penser ne serait-ce qu’un instant que le Président OUATTARA aurait accepté de perdre la face devant Guillaume SORO en reportant l’élection. Le 31 octobre 2020, était devenu l’enjeu d’un bras de fer.

Un pouvoir qui rate l’occasion de se réinventer

 Un ami m’a demandé si je n’ai pas de craintes quand je porte la critique contre le pouvoir. Je lui ai demandé de relire mes différents écrits. Je ne fais jamais que donner mon opinion. Je prends soin de n’offenser personne, en tout cas pas sciemment. On peut je crois, goûter la liberté de dire ce que l’on pense sans que cela ne soit perçu comme un affront.

Pour nous qui ne militons dans aucun parti, nous cultivons des sympathies, loin de toutes les considérations politiques, religieuses ou ethniques, en fonction des valeurs perçus chez les uns et les autres. Il nous est dès lors plus aisé de nous exprimer sans contrainte. Pour autant, je comprends mes amis militants qui ne peuvent se départir de la discipline de leur parti. J’en découvre souvent certains défendant des positions que je ne leur ai jamais connu ; en tout cas, eu égard aux valeurs que nous avons quelques fois partagé. Je respecte leur position et il serait logique que je bénéficie de la réciproque, sans être voué aux gémonies, voir traité de « Yerelonbali ». Je pense que cela participe au jeu démocratique. Les choses sont ainsi clarifiées.

   Déjà en 2016, je n’ai pas jugé nécessaire de prendre part au processus ayant abouti à l’avènement de la troisième république. Je n’épousais pas l’ensemble des textes du projet de constitution. Comme il fallait choisir entre tout ou rien, j’ai préféré opter pour rien, afin de demeurer en phase avec ma conscience. Ne rusons pas avec les mots. Je suis au nombre de ceux qui pensent que le Président OUATTARA aurait pu mieux faire, sur les aspects sociaux, de la redistribution des richesses et de la réconciliation nationale notamment. Je n’ai pas manqué l’occasion d’afficher régulièrement ma position et de donner mes raisons qui ne sont nullement l’objet du présent billet (https://remidiar.com/je-ne-parle-plus/). Je comprends finalement que certaines attentes étaient sans doute surfaites. Je comprends surtout que sans culture politique, j’ai cru que nous pourrions après 2010 assister à la naissance d’une nation ivoirienne inclusive.

J’ai surtout cru que l’horreur des corps calcinés qu’il m’avait été donné de voir au carrefour Camp Commando à Koumassi à la fin de la crise post-électoral de 2010, avait eu le même impact sur nos politiques (https://remidiar.com/elle-nous-a-rendue-amnesiques/). J’ai récemment lu, que l’égo de l’homme entre en berne dans les périodes de grande souffrance. Et quand l’égo s’amenuise, certaines valeurs fortes comme la solidarité, la compassion, l’amour de l’autre, la bienveillance… s’accentuent pour finalement prendre le pas. Cependant, dans les périodes d’accalmie, sans références spirituelles solides, la nature humaine ne tarde pas à reprendre le dessus ; et l’égo fait parti de la nature humaine. Tout ce verbiage qui pourrait paraitre pédant juste pour dire que l’épisode de l’hôtel du Golf et les mois de souffrance endurée par tout le pays, les milliers de morts, étaient parvenus à rassembler tout le monde autour d’un idéal de paix qui devait désormais nous guider. Lequel idéal n’aura malheureusement pas résisté aussi longtemps que nous l’aurions souhaité. Les fissures se sont révélées et des divisions constatées.

Il y a quelques années, alors que le pouvoir actuel venait de terminer son premier mandat, nous avons longuement discuté un ainé et moi, sur le nécessaire mécanisme des changements de régime politique pour la cohésion des nations. J’avais été fortifié dans nos analyses par la rotation entre la Gauche et la Droite en France et par les passages de témoin entre Démocrates et Républicains aux USA. J’entends certains dire qu’aucun parti politique ne cherche le pouvoir pour le perdre. Mais je demeure certains qu’aucun parti politique ne doit trop longtemps conserver le pouvoir. Dix années de gouvernance c’est suffisant. Dans son entretien mentionné en introduction, Emmanuel MACRON dit et je cite : « L’alternance permet la respiration. Elle est aussi le meilleur moyen de permettre l’inclusion dans la vie politique et de lutter contre la corruption, qui est le pendant d’une conservation trop longue du pouvoir. » Il n’est dès lors plus nécessaire, à mon sens d’épiloguer sur la nécessité d’une alternance.

L’alternance dans notre entendement ici n’est pas de demander au parti gouvernant de céder gracieusement le pouvoir à son opposition. Il s’agit d’abord de promouvoir l’alternance au sein même du parti. Puis de créer les conditions pour une élection inclusive et incontestable. Pour ce qu’il en est du nouveau mandat du Président OUATTARA, ma position est sans ambages. Je continue de m’aligner sur le raisonnement initial des ministres et cadres du parti au pouvoir, lorsqu’ils tentaient de vendre la constitution de la troisième république au peuple. Je ne leur ferai pas l’injure de croire qu’ils sont tous menteurs, ces hommes et femmes qui nous ont martelé souvent avec la main sur le cœur et quelquefois au feu, qu’un mandat supplémentaire n’était ni envisagé ni juridiquement possible. Je n’accorderai pas non plus de circonstances atténuantes eu égard au décès brusque du candidat du parti. Dès l’annonce de son nom j’avais rapidement fait un tour sur les moteurs de recherche pour me renseigner sur l’espérance de vie d’un transplanté cardiaque. Les résultats des algorithmes plaidaient pour d’autres choix. Ceci n’est que mon opinion. Elle n’engage que moi.

Je crois sincèrement que le Président OUATTARA a raté une occasion de rentrer dans l’histoire de la plus belle des manières. Ce qu’il n’a pas pu faire en dix années de gouvernance, il ne le fera pas en cinq ou dix nouvelles années. Sans compter le fait qu’il aura certainement moins de liberté d’action dans cette nouvelle mandature. Sa légitimité, il le sait sans doute au plus profond de lui-même, est moins évidente que celle de ses deux premiers mandats. « Je pense vraiment qu’Alassane Ouattara s’est présenté par devoir », ce sont là des propos du Président MACRON.

Je suis de ceux qui goûtent peu à la théorie du sacrifice et de l’appel du devoir. Je crois que beaucoup de ses partisans s’ils osent lui dire le fond de leur pensée, espéraient secrètement qu’il renonce au pouvoir malgré leur appels du pied (https://remidiar.com/pourquoi-sommes-nous-si-mechant/). Si l’homme avait malgré les appels, maintenu sa décision de ne pas aller à un nouveau mandat, ces mêmes partisans l’auraient ovationné de plus bel et le monde entier, en commençant par ses pires pourfendeurs l’aurait placé sur un piédestal pour toujours. Pour nous qui avons placé notre foi et notre espérance en lui pendant une époque, il est préférable de garder de lui l’image de l’homme qu’il a été à nos yeux, plutôt que celle de l’homme qu’il est en train de devenir. Je ne lui dirais pas ce qu’il à envie d’entendre, même si je me trouvais devant lui, je lui dirais ce que je pense vraiment.

Je suis pareillement de ceux qui goûtent peu à la théorie de l’effondrement du parti s’il avait décidé de placer quelqu’un d’autre que lui après la mort soudaine du candidat désigné. Il en est de même de l’idée selon laquelle, aucun autre candidat du parti n’aurait pu battre l’opposition à ces élections. Je ne crois pas non plus qu’il faille des années pour préparer un remplaçant, d’autant plus que beaucoup de ministres actuels cumulent plusieurs années de gestion, souvent dans différents ministères, avec des résultats très souvent salués. Je ne partage en vérité aucune des raisons avancées pour justifier le nouveau mandat.

Aucun homme n’est immortel, donc aucun homme n’est irremplaçable. Tout dirigeant élu devrait avoir l’humilité de savoir qu’un jour il devra se résoudre à quitter le pouvoir même s’il n’a pas terminé ce qu’il croit devoir faire. Personne ne peut bâtir à lui seul une nation, c’est génération après génération qu’une nation se construit. Il faut juste mettre en place des valeurs inaliénables et leur confier le soin de présider à la destinée de tous. Quand il a fait son temps et que ses concitoyens sont toujours contents de lui, c’est le moment pour le dirigeant avisé de passer la main. Un proverbe senoufo dit que « le sel que l’on lape est meilleur que le seul que l’on croque ». Mieux vaut partir pendant que l’on vous réclame encore que de s’en aller quand tous sont soulagés de vous voir enfin quitter l’arène. Les autoritarismes naissent souvent sans que l’intéressé lui-même, encore moins son entourage ne les voit arriver. C’est sur le tard que l’on se demande de bonne foi, quelquefois, à partir de quel moment tout est parti en vrille. Je ne prétends pas que nous assistons à la naissance d’un autoritarisme, je dis simplement que nous pouvons prévenir avant qu’il ne soit trop tard.

Je crois au final que notre classe gouvernante a raté une occasion de se réinventer en interne. Rien, ni personne ne pourra me faire admettre le contraire. Les circonstances atténuantes listées sont à mon sens inopérantes. Je demeure convaincu qu’au sein du parti présidentiel, des hommes et des femmes de valeurs auraient pu et peuvent déjà assurer la relève, pour peu que l’on veuille leur accorder le crédit nécessaire. Ceux-ci travaillent sans doute avec acharnement en se référant à des valeurs humaines. Ils œuvrent à l’avènement d’une nation forte et inclusive. Ils cimentent souvent de la manière la plus transparente possible, la cohésion au sein de l’appareil d’état. Ces hommes et ses femmes sont à même de fédérer auprès de toutes les couches sociales et de tous les groupements politiques du pays. Ils sont appréciés et représentent l’avenir d’un parti qui pourrait se réinventer en interne tout en étant en phase avec le reste de la société.

Pour qu’il fasse jour un jour

 Un jour, il fera jour, c’est dans l’ordre des choses. Il va falloir que nous puissions ensemble bâtir cette nation ivoirienne certes hybride mais parfaitement inclusive et cohérente. Pour y parvenir, nos politiques doivent s’approprier ou se réapproprier certaines valeurs. A défaut, il nous faut appeler à l’émergence d’une nouvelle classe politique plus soucieuse de notre harmonie. Je rêve d’une Côte d’Ivoire où les textes de loi, sont respectés. Je rêve d’une Côte d’Ivoire reconciliée, sans exilés et sans prisonniers politiques. Je rêve d’une Côte d’Ivoire où le vaincu de l’élection présidentielle appelle le vainqueur pour le féliciter. Je rêve d’une Côte d’Ivoire avec une élection présidentielle sans son lot de morts. Je rêve d’une Côte d’Ivoire où l’alternance est perçu comme un avantage et non comme une tare. Je rêve d’une Côte d’Ivoire sans homme se pensant indispensable. Je rêve d’une Côte d’Ivoire où la vie humaine est sacralisée. Je rêve d’une Côte d’Ivoire où les politiques sont des hommes de paroles qui ont en horreur le parjure. Je rêve de cette Côte d’Ivoire de valeurs et de cohésion sociale et politique.

  Je crois que l’avènement d’un tel état n’est pas une utopie. Il faut que nos politiques acceptent de se départir de certains comportements défavorables à la cohésion sociale pour ne privilégier que l’intérêt de l’ensemble de la population. Chacun doit jouer sa partition. Aussi bien l’opposition que la classe gouvernante tous sont appelé à contribuer. Tous ont trahi et tous nous ont finalement laissé entendre que nous avons eu trois mille morts pour rien. Ils nous ont servi 80 morts et sont finalement parvenu à exacerber cette haine de l’autre qui ne devrait plus être.

 Au membre de l’opposition, il convient de rappeler que le Président OUATTARA sera bientôt investi pour un troisième mandat, ou un premier c’est selon. Même si l’opposition continue à penser que cela n’aurait pas dû être, il faut qu’elle se résolve à accepter cette donne. Il ne sert à rien de tergiverser en pareille circonstance. Il faut accepter la réalité et se projeter dans l’avenir. Il faut se préparer pour les joutes à venir. Il faut privilégier l’intérêt supérieur du pays et la quiétude des ivoiriens. L’opposition gagnerait à aller à la négociation en sachant qu’il n’est plus concevable que les résultats de la dernière élection soient remis en cause. Cela n’arrivera pas. Il faut négocier la libération des prisonniers politiques incarcérés à l’issue de l’appel à la désobéissance civile. Il faut négocier pour la mise en place d’institutions plus fortes et impartiales.

Pour ce qui concerne le cas spécifique du Premier ministre Guillaume SORO, je crois qu’il est temps qu’il vienne se livrer à la justice de son pays. J’ai longtemps cru qu’il irait de son propre chef, se constituer prisonnier à l’ambassade de Côte d’Ivoire en France, pour ne pas abandonner ses frères et ses amis en prison. Je crois qu’en l’état actuel des choses, il doit se résoudre à arrêter la fuite en avant, et venir affronter sa destinée. Ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort. Il doit surtout arrêter de trop bavarder et s’engager dans une voie de négociation. Le temps des insurrections populaires et militaires est révolu. Les ivoiriens sont fatigués et aspirent à plus de calme et de sérénité.

 Au Président OUATTARA, je n’ose pas donner de conseil, il n’en a sans doute pas besoin. Je peux néanmoins partager mon opinion en ce qui le concerne ; il est homme public qui plus est le Président. Notre conscience nous juge de manière impitoyable. Nous pouvons certes échapper au tribunal des hommes, mais la conscience ne nous demande pas notre avis pour se mettre en œuvre. En sa qualité de président maintenant élu dans des circonstances qu’il aurait sans doute voulues meilleures, il doit jouer sa partition pour l’avenir. Il lui faut prendre la ferme et personnelle résolution de passer le relai pour 2025. Que toutes ses démarches soient guidées par cette décision. Les hommes passent et le pays demeure. Il passera, nous passeront tous, mais la Côte d’Ivoire sera toujours là.

Ensuite, il lui faut faire des gestes pas seulement destinés à son opposition, mais en faveur de tout le pays. A l’occasion de cette fin d’année il faut libérer tous les prisonniers politiques et favoriser le retour des exilés sans exclusive. Il lui faut à l’avenir mettre en place des textes qu’il se sent à même de respecter sans jamais les esquiver. Il lui faut engager la justice à traquer tous ceux qui se sont rendus coupables de morts d’hommes et à les condamner de manière exemplaire. Des assassins du jeune KOGNON, membre du RACI tué à Korhogo jusqu’à ceux ayant récemment décapité ce jeune homme à Daoukro, en passant par ceux du gendarme tué et de la famille calcinée. Il lui faut agir ; la justice est impersonnelle. Elle devrait être la même pour tous.

Un jour il fera jour. Un jour nous parviendrons à organiser une élection présidentielle et à la solder sans mort. Nous avions cru qu’après 2010, nous en avions fini avec les morts en cascade. Cependant la récente élection nous a montré qu’il y avait encore du chemin à parcourir. Nous pensons qu’avec de la volonté et l’amour du pays, il sera possible de parvenir à la création de cette Côte d’Ivoire que nous appelons de tous nos vœux. Nous n’y sommes certes pas parvenus en 2020 mais gageons qu’en 2025, nous aurons la possibilité de relever se pari. C’est maintenant que l’engagement de zéro mort pour la prochaine présidentielle doit se prendre. Puisse Dieu incliner les mouvements du cœur de chacun d’entre nous vers le bien.

Abidjan, le 27 novembre 2020

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1 réponse

  1. Romain Kouame dit :

    Merci grando pour ta contribution à travers ce billet. Je partage cette même foi en notre pays qu’ « un jour, il fera jour ».

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